On a lu pour vous : Méthode Niromathé ®

Par zeteditor
Niromathé rebouteux

(devenir rebouteux en 48h…)

Depuis des années, nous, vétérinaires, recevons des publicités de la société Niromathé ® pour participer à des formations pour une forme d’ostéopathie simple, sans risques, aux résultats rapides et surtout avec la possibilité d’être opérationnel en deux jours de formation !
Nous avons cherché à comprendre ce qui se cache derrière ces assertions extraordinaires.

La plupart des sources trouvées renvoient au livre « Ostéopathie Raisonnée » du Dr Raymond Branly, il est disponible sur le site de la méthode (1).

Ce livre contient une centaine de pages dont moins d’une dizaine sont expressément dédiées à la méthode (le reste est une description plus ou moins exhaustive des pratiques ostéopathiques et ésotériques dans lesquelles la méthode Niromathé ® va piocher).
Le nom de Niromathé serait celui d’un toucheur de la Grèce antique ayant inspiré le créateur de la méthode.
L’auteur précise tout de même que « cet ouvrage n’a aucune prétention » (page 2) pourtant il semble que ce soit le document fondateur du système commercial créé par les dirigeants de la marque Niromathé ®.

1-Origines de la méthode Niromathé ®

L’auteur inscrit totalement sa méthode dans la continuité de certains rebouteux (R. Renard, G. Lamoril…) dont les connaissances ont été apprises dans des contrées lointaines (Inde, détroit des Dardanelles…).
La grande qualité de ces praticiens est prouvée selon l’auteur essentiellement par la qualité de leur patients (Reine d’Angleterre pour les uns, présidents français ou « riches américains » pour les autres).

Une source d’inspiration importante (« ce fut pour moi une révélation » page 87)  est décrite avec plus de précisions : la technique Moneyron.
Du nom d’un pharmacien à Vichy, cette technique lui a été transmise par une religieuse (Soeur G. Chabrit) du Massif Central ayant reçu le « don » en Inde.

Pour se faire une idée, voici une description de la méthode de Soeur G. Chabrit :

« De la même façon qu’un musicien joue d’une contrebasse ou d’une guitare pour faire vibrer les cordes de son instrument pour obtenir l’équilibre d’un son ou d’un accord harmonieux pour obtenir la stabilité d’une mélodie, le thérapeute va « accorder » le patient en faisant résonner différentes cordes définies suivant un protocole précis. Cette technique va permettre à chaque partie du corps de retrouver sa posture optimale. Notamment en ramenant l’horizontalité du bassin. Il s’agit de faire vibrer la structure anatomique osseuse, musculaires ou tendineuses afin de réharmoniser la posture naturelle d’une personne. Tout ça avec un protocole de 14 points à traiter dans un ordre précis. Une procédure simple, rapide et indolore qui peut être exécutée sur un patient habillé. » (2

2-Description de la méthode Niromathé ®

Quatre notions de base sont décrites :

  • le décollement de la peau
  • la polarité
  • la cartographie des points
  • la gestualité

1ère notion : le décollement de la peau

Cet aspect est centré uniquement sur la notion d’Éléments Tenso-Modulateurs (ETM).
Ces ETM semblent être une trouvaille des initiateurs de la méthode, aucune occurrence scientifique n’a été trouvable en dehors du site Niromathé®.
« Ces ETM se situent entre la peau et les structures plus profondes » page 89 (notez la précision !)
Le principe serait que les blocages proviendraient d’une « déprogrammation » des ETM qui se « collent » alors à la peau.
On pourrait donc traiter ces blocages en décollant la peau au niveau des ETM.

Trois possibilités s’offrent alors au thérapeute pour reprogrammer ces ETM :

  • la stimulation directe : on se rapproche alors de l’acupuncture puisque cette stimulation peut se faire par puncture, injection de xylocaïne ou par chaleur locale (moxas)
  • la stimulation semi-directe : manipulations et étirement/raccourcissement musculaires (copie d’autres méthodes cutanées)
  • la stimulation par polarité : utilisation des techniques de Reïki (imposition des mains) améliorée par la technique Sutherland (« une des mains est animée d’un léger mouvement de reptation ou d’oscillation » page 91).

Les preuves de ce mécanisme d’action sont simples et exposées sans ambiguïté par l’auteur : 

« La preuve de ce mécanisme d’action : Mes résultats, avec la technique Niromathé sont excellents (…) » page 91 (sic)

2ème notion : la polarité

Cette notion de polarité a été créée par Randolph Stone dans les années 1950, elle repose  sur un certain nombre de concepts d’origine orientale hindoue (chakras, kundalini, médecine indienne ou ayurvéda et philosophie hindoue) et des concepts d’origine occidentale (ostéopathie, magnétisme). (3

Pour comprendre la polarité, il faut accepter plusieurs prémices savoureux :

  • les mains du thérapeute sont dotées de propriétés électriques
  • le patient est le siège de courants électromagnétiques
  • les lésions ostéopathiques résultent d’une mauvaise circulation électromagnétique
  • la pose des mains va restaurer cette circulation et remédier aux problèmes

À ce degré d’acceptation fantaisiste, il n’y a qu’un pas pour admettre que certains de ces pouvoirs magnétiques sont issus du divin. Ce pas serait bien sûr franchi avec allégresse par certains thérapeutes selon l’auteur.

Par d’autres aspects, cette polarité est proche du Reïki, de subtiles différences sont néanmoins présentes (4).

Le problème de la polarité est sa durée assez longue de mise en œuvre (parfois jusqu’à une heure), parfois moins grâce à l’animation d’une des deux mains (Technique Sutherland). Un problème demeure néanmoins, l’effet de cette technique demande du temps pour se manifester.
Qu’à cela ne tienne, grâce à la technique Niromathé®, on réduit le temps d’apparition de l’effet en imprimant un mouvement de type rotatoire (fallait y penser).

3ème notion : la cartographie des points

Bien, il va falloir suivre un peu le raisonnement dans cette partie, car les douleurs sont différentes selon leurs modalités.

Exemple les douleurs diurnes ou nocturnes:

Citons l’auteur : « il existe deux groupes de patients (+2, soit 4 groupes) » page 93 (citation exacte, on comprends pourquoi l’auteur insiste initialement sur le caractère sans prétention de son livre)

  • 1er groupe : les patients à douleurs diurnes
  • 2ème groupe : les patients à douleurs nocturnes
  • 3ème groupe : les patients à douleurs diurnes et nocturnes
  • 4ème groupe : les douleurs difficiles à étiqueter

À ces quatre groupes vont correspondre deux états :

  • l’état d’Inspir = aggravé par le repos, amélioré par le mouvement
  • l’état d’Expir = aggravé par le mouvement, amélioré par l’immobilité

Une description des différents groupes est inutile puisqu’on peut résumer de façon simple : « quand on a mal en flexion, on a moins mal en extension et inversement ou les deux. »

Néanmoins grâce à tout cela, la méthode Niromathé® établira deux choses :

  • la cartographie spécifiques des ETM (les trucs qui n’existent pas) selon que la lésion apparaît en Flexion ou en Extension
  • la gestualité qui dépend du sens du blocage de la lésion (inspir ou expir)

4ème notion : la gestualité

À ce stade, on a bien compris que cette méthode est totalement fantaisiste, sans aucune preuve sérieuse à part le cortège habituel des témoignages, arguments d’autorité, argument d’exotisme….
La description précise n’a aucun intérêt (une vidéo pour l’exemple (5)) et de toute façon elle reste inaccessible aux non-initiés (ie : à ceux qui n’ont pas payé la formation). Il est alors important de rappeler que la méthode Niromathé® est le fruit du travail de peu de personnes (Dr Raymond Branly et Thierry Vandorme) et que cette technique a aussi la particularité d’être le nom commercial d’une société dirigée par M. Vandorme (6).

La description de la gestualité dans le document « Ostéopathie raisonnée » est d’une organisation qui amène à un seul but : venez payer pour nos formations.

In extenso cela donne (page 96) :

  1. règle fondamentale : l’application des mains doit être très superficielle pour un maximum d’action
  2. effet majoré si une des mains est animée d’un mouvement ondulatoire
  3. l’effet est amplifié si la main effectrice est animée d’un mouvement non plus ondulatoire mais rotatoire
  4. l’effet est encore augmenté si le point d’impact de la main effectrice est très localisé (doigt ou articulation inter-phalangienne) au niveau d’un ETM
  5. le geste doit être très précis (localisation, pression, sens et rythme)
  6. il doit se référer à la méthodologie

En explication de texte, cela pourrait se traduire par : 

  1. on ne touche pas trop les gens pour ne pas être emmerdé par les kinés (mais en leur faisant un petit tacle quand même)
  2. on se rapproche de l’ostéo pour se donner un ancrage populaire
  3. mais on invente une variante pour se différencier
  4. on invente une cartographie imaginaire et personnelle pour pouvoir la vendre
  5. on augmente la précision pour être unique (et aussi probablement pour justifier les échecs)
  6. on demande des sous pour le poster qui n’a rien à envier aux mannequins d’acuponcture ou aux planches de shiatsu

3-Résultats de la méthode Niromathé ®

L’auteur est très sûr de lui quant aux résultats : cette méthode est « Performante : le taux de guérison est de 80%. » page 97
Bon, évidemment, comme pour tout le reste, il faut le croire sur parole.
Mais il va plus loin car il explique les 20% d’échecs par deux raisons : les patients multi-opérés et les patients poly-médicamentés.

En creux, cela veut dire qu’il affirme un taux de réussite de 100% dans tous cas courants (en toute simplicité et modestie).

Conclusion 1

À la lecture de cet ouvrage, on ne peut nier l’apparente honnêteté du Dr Branly mais on ne peut être que frappé par la naïveté de son approche des sciences.

Citation : « En médecine les mots parlent d’eux mêmes. Ne dit-on pas guérir (gai rire), tumeur (tu meurs), morphine (mort fine)… » ( page 3 )

Cet ouvrage est une ode à l’empirisme désuet et aux croyances populaires.
Le résultat de cette lecture reste sans appel, une fois de plus nous avons une méthode qui rassemble toutes les caractéristiques classiques d’une pseudo science :

  •  un inventeur unique (accompagné d’un dirigeant de SARL dans ce cas précis)
  • une méthode pleine et entière telle que décrite par son inventeur
  • un jargon pseudo scientifique (invention des ETM)
  • des témoignages en guise de preuve
  • un mélange avec d’autres pseudo sciences (l’inventeur mange à tous les râteliers des pratiques ésotériques pour en faire un amalgame personnel)
  • rejet de la médecine officielle (les échecs de la méthode ne sont dus qu’aux excès de la médecine)

Conclusion 2 : Et l’aspect vétérinaire dans tout cela ?

Dans un premier temps, rappelons que l’un des inspirateurs du Dr Branly fut un vétérinaire ostéopathe du nom de Georges Fournier (page 4) .
Nous avons une description d’une de ses consultations, citée par Branly (page 76) :

« Regardons travailler Georges Foumier, Vétérinaire ostéopathe.
Le cheval de Pauline boite depuis 6 mois. Il ne peut plus être monté. Dès qu’on lui demande d’accélérer l’allure, la boiterie se manifeste et il doit s’arrêter. Divers traitements ont été essayés, sans succès.
Georges place ses deux mains sur l’encolure du cheval. Patiemment, il attend le M.R.P. Celui-ci se manifeste 10 minutes plus tard. Il est relativement dysharmonieux du côté gauche. Georges interroge mentalement les articulations (je conçois que cet aspect relève quelque peu de la radiesthésie). Il interroge les membres, le M. R. P. conserve pratiquement la même structure modérément dysharmonieuse gauche. La dysharmonie devient manifestement plus nette lorsqu’il interroge la sacro iliaque gauche et la région lombaire. Il en conclut que les problèmes (L. O.) se situent à ces niveaux. Il reste mentalement positionné sur ces deux niveaux et parallèlement il module le péristaltisme de l’onde du M. R. P. au niveau de l’encolure. Il corrige ainsi, très progressivement l’onde gauche pour qu’elle reprenne, dans les trois plans de l’espace, une forme identique, celle du côté droit. Ce travail est long. Il demande plus de 30 minutes. Il nécessite une concentration extrême et une grande patience. Lorsqu’il estime que l’onde a retrouvé son volume et que la symétrie est parfaite, Georges retire doucement ses mains. Il demande à Pauline de faire marcher son cheval, puis de le faire trottiner à la longe, enfin de le monter. Immédiatement le cheval reprend une allure normale. Il ne boîte plus. Il est guéri. Cela fait 8 mois et aux dernières nouvelles, le cheval est en pleine forme.
Je conçois que pour un néophyte cela s’apparente à la magie. Pourtant ces résultats sont reproductibles. Certes ils ne sont pas systématiques ; le taux de positivité est de 50  à 60 %. Bien plus toutefois que ne le voudrait le simple effet placebo. »

C’est peut être pour cela que les vétérinaires, malgré leur faible nombre, ont une place réservée dans le système Niromathé® (peut être aussi parce qu’ils sont plus réceptifs grâce au travail de sape des formateurs ostéopathiques depuis des années). 

Bref, on leur vend une formation clé en main de 48h avec le slogan suivant : « Vous êtes opérationnels dès le lendemain du stage » avec le diplôme qui va bien (7).

Les quelques vidéos publiques disponibles en version vétérinaire sont assez parlantes concernant le caractère extraordinaire et pour tout dire naïf de la méthode (8) (9). 

Le plus surréaliste reste tout de même les instructions post traitement qu’il est possible de glaner sur les sites de cliniques interdisant de trop caresser le chien afin de pas redéprogrammer les ETM (ex : « la manipulation Niromathé® faisant appel à des vibrations de la peau, tout autre manipulation appuyée pourrait anéantir le travail effectué. »)

Bien sûr, certains praticiens ont la sagesse de prévoir les éventuelles complications (« effet rebond », risque de nouvelle blessure liée à la  fragilité du corps durant la phase de rééquilibrage du corps) et ce durant un temps pouvant durer jusqu’à deux mois (ce qui doit aussi permettre de profiter de la guérison spontanée).

Une fois de plus, il est interrogeant que des formations aussi fantasques puissent être proposées à la profession alors que leur application et leur promotion contreviennent manifestement au Code de Déontologie vétérinaire. (10

 


Bibliographie :

1- https://www.niromathe.com/fr

2- https://revededragon.com/le-decordage/

3- https://www.ecolevega.com/polarite

4- https://www.lerayondevie.com/avada_faq/la-question-la-plus-frequente-est-ce-quil-y-a-une-difference-entre-la-polarite-et-le-reiki/

5- Vidéo sur Youtube

6- https://www.societe.com/societe/niromathe-752289918.html

7- https://www.niromathe.com/fr/osteopathie/veterinaires/programme-de-stage-de-la-formation-intensive-niromathe-pour-les

8- https://www.niromathe.com/fr/osteopathie/veterinaires/pratiques-veterinaires-de-niromathe-en-video

9- https://youtu.be/ob7vrECH_IA?t=516

10- Article R.242-33 XII. – Le vétérinaire acquiert l’information scientifique nécessaire à son exercice professionnel, en tient compte dans l’accomplissement de sa mission, entretient et perfectionne ses connaissances
Article R242-35 – Communication et information. Toute communication (…). Elle doit être loyale, honnête et scientifiquement étayée. Elle ne doit pas induire le public en erreur, abuser sa confiance ou exploiter sa crédulité, son manque d’expérience ou de connaissances.
Art. R. 242-72. – Sites Internet. […] Toute affirmation sur les bienfaits ou les inconvénients de traitements est justifiée.