Acupuncture chez les chevaux et Fourbure : LCA

Par zeteditor
Acupuncture chez les chevaux

Aujourd’hui les Zétérinaires vous présentent l’analyse d’un essai clinique traitant de l’utilisation de l’acupuncture chez les chevaux atteints de fourbure. Ceci permettra à la fois de s’exercer à la lecture critique d’article ou LCA, et nous en profiterons pour revenir sur un point fondamental de la méthodologie scientifique (en conclusion générale).

L’article étudié (1) est disponible en ligne :
Lee, D., May, K., and Faramarzi, B. (2019). Comparison of first and second acupuncture treatments in horses with chronic laminitis. Iran. J. Vet. Res. 20, 9–12.

Résumé

L’objectif de l’article était de déterminer si l’ajout d’une deuxième séance d’acupuncture permettait d’obtenir de meilleurs résultats sur le soulagement de la douleur chez des chevaux atteints de fourbure par rapport à une séance unique. Les auteurs concluent qu’effectivement les résultats suggèrent que deux séances permettent une meilleure prise en charge de la douleur qu’une seule. Au cours de l’analyse de cet article, nous allons donc chercher à déterminer si les résultats vont effectivement dans ce sens, et si oui avec quel niveau de preuve.

I/ Analyse externe

Le journal : il s’agit du Iranian Journal of Veterinary Research. Son FI était de 0.67 en 2018/2019, soit relativement bas, mais pas ridicule considérant qu’il s’agit d’une revue traitant spécifiquement de médecine vétérinaire.

Les auteurs sont membres du collège de médecine vétérinaire de la Western University of Health Sciences (Pomona), et leurs thématiques de recherche habituelles se concentrent sur l’orthopédie et la physiologie du sport du cheval.

II/ Analyse interne

Analyse du protocole

L’étude inclut 14 chevaux atteints de fourbure, sur lesquels sont pratiquées deux séances d’acupuncture à une semaine d’intervalle. Dix minutes après chaque séance, la boiterie des chevaux est évaluée par le biais de deux méthodes : par un examen de boiterie visuel, et par un système de gyroscopes et accéléromètres mesurant objectivement les mouvements des chevaux. Ces deux méthodes concluent à une diminution de l’intensité de la boiterie après la deuxième séance d’acupuncture en comparaison à après la première séance.

Soulignons tout d’abord un point positif : l’utilisation d’une méthode objective de mesure de l’intensité de la boiterie est appréciable.

Pour ce qui est du négatif, on s’attardera notamment sur un point, qui est le plus dommageable : l’absence de groupe témoin ou contrôle. Cette absence de groupe contrôle fait de cette étude une « série de cas ».

Parmi les autres points négatifs du protocole, on notera également l’absence de certaines informations. Les auteurs comparent ainsi dans le texte l’intensité de la boiterie après la première séance d’acupuncture à une mesure antérieure, à propos de laquelle aucune information n’est donnée. Aucune information quantitative ne sera non plus donnée dans la partie résultat… Plus grave, l’étude mentionne l’existence de traitements concomitants, sans que leur nature soit précisée.

Analyse des résultats

Comme on l’a déjà mentionné, aucune information quantitative n’est donnée quant aux observations réalisées avant la première séance d’acupuncture. Les auteurs précisent simplement dans le texte que cette première séance est suivie d’une légère aggravation de la boiterie.

Il n’y a pas de souci particulier en ce qui concerne les statistiques ou la présentation des résultats.

Discussion

Les auteurs vont plus loin dans l’affirmation de leurs résultats, leurs formulations impliquant un lien de cause à effet entre la deuxième séance d’acupuncture et l’amélioration de la boiterie, cette dernière conclusion allant au-delà de ce qu’autorisent la qualité et la nature des résultats obtenus… Ils terminent de plus leur discussion en appelant à la réalisation d’autres études randomisées et contrôlées, ce qui est sage.

Conclusion de l’analyse interne

Dans un contexte de série de cas, cette étude est a priori correctement réalisée. Cependant, selon la classification énoncée par l’Anaes et reprise par la HAS (2), le niveau de preuve apportée par une série de cas, même bien réalisée, est de niveau 4 sur 4, soit le plus faible niveau de preuve possible pour une publication scientifique. Ceci est justifié par l’incapacité des séries de cas à différencier l’efficacité propre d’un traitement de la grande majorité des facteurs de confusion. Pour plus de détails sur le niveau de preuve des différentes publications scientifiques, voici un de nos précédents articles.

Conclusion générale : de l’intérêt des groupes contrôle

Que ce soit en recherche fondamentale ou dans le cadre d’essais cliniques, un des points clé de la méthodologie scientifique est de mettre en place des protocoles aptes à éliminer un maximum de biais et facteurs de confusion, ceci afin de tirer des conclusions d’autant plus fiables et solides. L’utilisation de groupes contrôle est aujourd’hui un des outils fondamentaux pour éliminer un certain nombre de biais.

Dans le contexte d’un essai clinique comme ici, la mise en place d’un groupe contrôle comparable au groupe test permet notamment de s’affranchir des biais que sont :

  • L’évolution spontanée d’une affection ou maladie : un certain nombre d’affections sont auto-résolutives, d’autres évoluent de façon cyclique.
  • L’impact des traitements concomitants s’il y en a : dans l’exemple pris ici, les auteurs mentionnent ainsi leur existence sans plus de précision.
  • Les effets contextuels : bien présents chez l’animal, quoique souvent moins importants que chez l’Homme.

Sources

  • Lee, D., May, K., and Faramarzi, B. (2019). Comparison of first and second acupuncture treatments in horses with chronic laminitis. Iran. J. Vet. Res. 20, 9–12.
  • Haute Autorité de Santé, Service des bonnes pratiques professionnelles. (Avril 2013). Niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique – Etat des lieux.